Gaucho et les abeilles Les recherches se poursuivent
La partie de bras de fer continue entre la firme Bayer et la profession apicole.
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Philippe et Suzanne Vermandere ont été parmi les premiers apiculteurs en France à tirer la sonnette d'alarme concernant les dépopulations de ruches qu'ils observaient au moment de la floraison du tournesol. Installés depuis 1980 à Le Langon (Vendée), ils exploitent 600 ruches réparties dans un rayon de 25 km autour du siège de l'exploitation et vendent la totalité de leur production en gros à une coopérative, France Miel, basée dans le Jura. «A partir de 1985, nous nous sommes spécialisés dans les miellées de culture et notamment celle de tournesol.» La plante oléagineuse est une aubaine pour les apiculteurs : «Nous obtenions régulièrement des rendements de 75 à 80 kg par ruche. » Du coup, le miel de tournesol représente certaines années jusqu'à 85 % des 45 à 48 tonnes de miel que les producteurs livrent à la coopérative.
«Les premières difficultés sont apparues en 1995. Sur quelques emplacements, les ruches se dépeuplaient soudainement en début de floraison du tournesol alors que dans d'autres ruchers éloignés de plusieurs kilomètres, tout était normal. Le phénomène s'amplifie en 1996 et la moyenne de production tombe à 45 kg par ruche. En 1997, la dépopulation se produit sur l'ensemble des ruchers et la production ne dépasse pas 29 kg. Au début, nous ne savions pas dans quelle direction chercher, mais des contacts avec d'autres collègues récoltant aussi du miel de tournesol nous ont mis sur la piste de Gaucho. » Il restait à établir de façon officielle un rapport entre le traitement des semences du tournesol et les pertes d'abeilles. A la fin de 1997, les trois syndicats apicoles français créent une coordination et peu de temps après, le ministère de l'Agriculture lance un programme de recherches. Le traitement Gaucho sur tournesol est interdit dans les Deux-Sèvres, l'Indre et la Vendée et des sites d'expérimentation sont mis en place ; ils seront suivis par le Cneva, l'Inra, l'Acta et le CNRS. Les résultats n'ont fait que renvoyer dos à dos les apiculteurs et le fabricant du Gaucho. Les différentes comparaisons entre des ruches placées à proximité d'un champ de tournesol traité au Gaucho et d'autres disposées plus loin à côté de parcelles non traitées n'ont abouti qu'à des « différences globalement non significatives », en matière de pertes d'abeilles et de niveau de production. Jubilation chez la firme Bayer qui se voit disculpée. Objection chez les apiculteurs qui contestent certains éléments du protocole d'essais, mais qui font surtout valoir que des traces d'imidaclopride - la matière active du Gaucho - ont été retrouvées dans les plantes issues des parcelles témoins n'ayant pas reçu de traitement. Une présence de traces qui serait due à l'utilisation du Gaucho sur la culture précédente dans l'assolement, l'orge notamment.
Le 15 janvier dernier, le ministère de l'Agriculture décidait d'interdire l'utilisation du Gaucho sur tournesol « en l'absence de certitudes scientifiques et techniques sur le lien éventuel entre l'utilisation du Gaucho et la dépopulation des ruches. » Et c'est à une véritable coordination de firmes de l'agrochimie et de semenciers que l'Etat se trouve désormais confronté. Ils sont une dizaine à avoir déposé à la fin d'avril une requête auprès du Conseil d'Etat visant à annuler la décision du ministère.
Recherche : lancement de nouveaux programmesSur le terrain et dans les laboratoires, de nouveaux programmes de recherches se mettent en place à l'Inra, au Cneva et au CNRS avec un budget prévisionnel de 2,4 millions de francs d'origine communautaire et nationale. De son côté, la firme Bayer a annoncé qu'elle débloquait une enveloppe de 5 millions de francs pour lancer « un programme de recherches visant à trouver l'explication du phénomène de dépopulation des ruches rencontré par certains apiculteurs ». De belles confrontations en perspective pour cet automne. |
Petit lexiqueCneva : Centre national d'études vétérinaires et alimentaires Inra : Institut national de la recherche agronomique Acta : Association de coordination technique agricole CNRS : Centre national de la recherche scientifique |
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